ENTRE TRADITION ET MODERNITÉ

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Comme chacun sait, je visite souvent les jeunes créateurs, et en voyant un blouson avec un tissu qui ressemblait plus à un décor d’apparat de la garde napoléonienne, je le fis remarquer à la créatrice : « J’aime ce bomber avec ces tissus du 18ᵉ siècle au 19ᵉ car il donne une base de réflexion à l’acheteur. En effet, c’est toujours sécurisant de penser que, dans un vêtement, il y a un peu d’histoire d’autrefois ». La créatrice m’a regardé avec un air intéressé parce qu’en fait, elle n’y avait pas pensé, elle l’avait fait d’instinct, comme fréquemment les artistes ont cette vision instinctive du monde d’après. Il est sans doute banal de constater que la modernité donne congé à la tradition, et de dire que le moderne est l’ère du nouveau ou du renouveau ; ce l’est un peu moins d’approfondir cette affirmation et de saisir le double geste qui en constitue la substance.

Le nouveau de la modernité pour congédier l’ancien, pour un geste de rupture, une césure sans appel. Mais, au même titre que le Seigneur des Arnault disait à Steve Jobs : « vous avez une technologie de l’instant, alors que moi, je vends le patrimoine de la France ». La modernité commence quand elle réfléchit sur sa séparation d’avec le monde et la culture précédente. Le fil de la tradition est interrompu, et ne peut être rénové soi-disant, mais comme le sait l’homme sentimental que je suis, il nous faut toujours un brin de passé pour apprécier l’avenir, ou le détester.

Regardez bien les vêtements de John Galliano, qui s’inspire toujours du maître de Granville. Les autres créateurs font de même ; Gauthier, par exemple, avec ses seins pointus, a imité Schiaparelli,… et bien d’autres. La fondation d’un vêtement est souvent un clin d’œil au passé, ce qui est probablement la source de son succès.

FM

Blouson Dgena
Collection 2025