TIC TAC DEUX CALORIES PAR BOITIER
Cette semaine devait être la grand-messe du tic-tac du luxe (soit deux calories par boitier pour les bimbos), the « Watches & Wonders », le temple sacré de l’horlogerie à Genève, où l’on vénère Rolex comme certains vénèrent Donald, un moment attendu car les complications horlogères aujourd’hui sont plus nombreuses que les rebondissements d’une mauvaise série de Netflix.
Cartier, Patek, qui sont le sommet de la civilisation horlogère, se voient emporté dans une spirale venue toute droite d’une série B : Donald Trump, sur son trône de tweets, balance une taxe de 31 % sur les montres de luxe suisses. Comme si quelqu’un avait décidé de faire tourner la trotteuse économique sans numéro et les mains dans le pot de confiture protectionniste.
Le marché américain qui, rappelons-le, engloutit près de 17 % des exports suisses en tocantes de compétition, vient de remporter un bon gros réveil-matin à 50 000 dollars pièce, pas en titane, mais en plomb. Imaginez un instant que vous lanciez une nouvelle montre baptisée Land Dweller, clin d’œil subtil à la Sea Dweller, et que vos clients ne puissent littéralement plus se permettre de rester sur la terre ferme pour l’acheter. Il leur faudra traverser l’Atlantique pour se payer le droit de lire l’heure avec panache avec un bilan carbone plus que destructeur.
Un vendeur genevois, dans un élan de poésie horlogère, confie : « Une belle occasion de tester si nos clients savent vraiment lire l’heure… ou juste lire leur portefeuille.” » Comme une vision compliquée du cadran d’une Richard Mille qui ne sert à rien, mais coûte un rein, les suisses deviennent Tic Toc avec ces droits à payer au nouvel empereur du bon goût.
Après le Covid, les Américains avaient redonné vie à l’industrie avec des dépenses d’une fièvre acheteuse sans vaccin (le fameux « je m’achète une montre à 80k pour compenser mes trois années de jogging en pyjama »).
Les États-Unis veulent promouvoir leur industrie locale. Noble ambition. Sauf qu’ils n’ont aucune infrastructure pour produire des montres mécaniques de luxe. À moins, bien sûr, qu’on commence à considérer les smartwatches comme de l’horlogerie de luxe. Dans ce cas, bravo Cupertino, vous êtes notre nouveau Breguet. Les horlogers suisses qui ont traversé le rubicon de l’automatique au quartz puis aux smartwatches, prendront-ils le virage de la montre téléphone ?
Mais il est vrai qu’à Genève au XVIe siècle la ville est secouée par la Réforme protestante de Jean Calvin, figure majeure du protestantisme. Il impose une moralité stricte, bannissant tout ce qui relève du superflu et de la vanité. Parmi les interdits : le port de bijoux ostentatoires.
Résultat : les orfèvres et bijoutiers, soudain privés de leur métier, doivent se reconvertir. C’est alors que naît une idée : Si les bijoux sont interdits, les montres, objets utiles, techniques, non considérés comme vaniteux, sont encore tolérées. Les artisans genevois commencent donc à canaliser leur savoir-faire dans la fabrique d’objets horlogers. Ils décorent ces montres avec un raffinement discret : la beauté n’est plus ostentatoire, elle devient intérieure, mécanique, fonctionnelle. Une esthétique protestante, presque spirituelle.
Cette mutation donne naissance à une tradition horlogère rigoureuse, alliant foi, discipline, et exigence artisanale. Au fil des siècles, cette réputation s’affirme, et Genève devient le berceau de l’horlogerie de précision. De là sont nés les grands noms : Patek Philippe, Vacheron Constantin, Audemars Piguet, Jaeger-LeCoultre… Alors, Trump fera-t-il changer l’histoire comme Calvin , et en ajoutant le “tarif douanier aléatoire à la Trump sur le cadran remplaçant la date du jour ! Probablement disponible en édition limitée, bien sûr. Avec bracelet en peau de sarcasme.
FM