JE SUIS UN PARIGOT INCURABLE

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Paris, ville de la douceur de vivre, si l’on entend par douceur non seulement un certain bien-être matériel, mais aussi une certaine mansuétude dans les rapports de l’existence quotidienne, à condition de rester chez soi et de n’en sortir que pour des lieux sélectionnés, à des heures bien choisies.

De plus en plus de patrons de bistrots à manger placent en terrasse des tonneaux : type de fût, ou futaille, en bois de forme et de capacité variable selon les régions, placé debout sur les trottoirs mesurant environ un mètre. Le bourguignon fait 228 L, tandis que la barrique bordelaise seulement 225 L pour un message simple à comprendre : « Ici, il y a du bon vin »

Symbole à quatre sous, les vins servis étant en général débouchés d’une bouteille, il est loin le temps du vin « à la tireuse», qu’on trouvait dans des épiceries de quartier. Il y a là plus qu’un attrape-nigaud, le symbole de la société de la Marchandise, ce que les situationnistes appelaient la représentation spectaculaire de la Marchandise. Pourquoi pas des livres non imprimés devant une librairie ? Ce fut le cas avec ces fausses bibliothèques allant parfois jusqu’à dissimuler des armoires à linge.

Le mot « bistrot » n’est aucunement d’origine cosaque comme tant de gens le colportent, il vient du Poitou et de Bourgogne où un « bistot » signifiait « petit domestique » ou « commis d’auberge ». L’ajout du «r» est vraisemblablement dû à une contraction avec « mastroquet », disparu mais qui subsiste grâce à « troquet». « Bistrot» se répand vers 1910 à l’époque où les cosaques avaient quitté la France depuis longtemps.

Il n’existe qu’une seule façon de juger un bistrot à vins, c’est de juger sur pièce, c’est-à-dire de commander un verre. Demandez une culotte et vous constaterez que les garçons de café ne connaissent plus le boulot. Une culotte, c’est une Suze avec du cassis puisqu’une culotte ne s’use « qu’assis ment pas ».

Le phénomène n’est pas nouveau : je me souviens d’une fois, quand j’étais gamin, où mon père avait demandé un mendiant (un assortiment de fruits secs) au garçon, lequel, à la limite de l’indignation, avait répondu: « Monsieur, nous sommes une maison sérieuse ! » Incontestablement les vins sont de meilleure qualité aujourd’hui qu’à l’époque où, chez les têtes couronnées, on rajoutait de l’eau. Eh oui, vous l’avez compris, je suis Parisien mais je me soigne.

FM