UNE DROLE DE MADELEINE

FHCM

Le 4 décembre 1909, au 102, boulevard Haussmann, il y avait une fine couche de neige. Tard dans la nuit, Marcel Proust presse le pas pour rentrer chez lui, et s’engouffre dans l’immeuble de son appartement du premier étage. Il a froid, il tremble et sa gouvernante, la fameuse Céline, lui conseille de prendre un thé.

D’autorité, elle lui en verse une tasse accompagnée de quelques biscottes. Proust trempe machinalement l’une d’entre elles dans le breuvage et la porte à sa bouche. Instant sublime, étrange sensation de lumière des papilles et de souvenirs… Tout un passé ressurgit avec cette biscotte ramollie, celle que son grand-père lui offrait autrefois, avec ce goût oublié et retrouvé, celui de l’enfance perdue.

L’écrivain vient de commencer l’écriture de son roman du « Côté de chez Swann », et cette expérience unique de la biscotte provoque chez lui une réminiscence sublime. « L’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir. «

Oui, mais ce déclencheur du souvenir sera-t-il, dans son roman, une biscotte ou du pain grillé ? Proust hésite, rature son manuscrit, y revient, finalement, biscotte ou pain grillé lui semblent manquer un peu de poésie dans lequel il fait évoluer ses personnages.

Ce sera donc « une madeleine », l’un de ces gâteaux qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d’une coquille Saint-Jacques, et c’est à Illiers-Combray en Eure-et-Loir et le souvenir du Pré Catelan de la petite ville de Beauce qui fera le travail d’écriture.

Dix ans plus tard, en 1919, Proust doit quitter ce nid douillet du boulevard Haussmann : l’immeuble est vendu à une banque qui donne congé à tous les locataires. En 1996, la chambre du célèbre écrivain est ouverte au public… Puis fermée en 2004 lorsque le CIC vient poser ses valises de billets en ces lieux. Les Proustiens passionnés pourront aller se consoler avec la reconstitution de la chambre au musée Carnavalet (16, rue des Francs-Bourgeois), mais le mieux c’est le Pré Catelan à Illiers-Combray seulement à une heure de Paris pour humer le style de Marcel.

FM

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