PARIS FASHION WEEK
Ce matin-là, je pointais au rituel de la Facebook mania, et j’attendais tranquillement le désir que le génie de l’écriture vienne me chatouiller les méninges. C’était le début de la Fashion Week de Paris, et je reconnais que je finis par ne plus qu’écrire des critiques et je m’exécute avec parfois savoir, parfois goût et souvent cruauté, pour finalement une imposture Haute Couture que l’on m’impose. Dans ce métier, l’incontinence des « modeux » est une des maladies les plus répandues de l’époque.
Mais, venue des ténèbres, la fièvre de l’organza se dessinait avec Rolland ; la seule collection où je ne suis pas invité. Alors que je me tiens à une positivité méthodique de l’idée de voir des robes hypnotiques, c’est le nul d’anciennes Bimbos Russes qui m’apparait, et je dois justifier à mes 40 000 abonnés sur Instagram, un lectorat étendu de fanatiques prêt-à-mourir pour faire reculer les plus valeureuses critiques, sur ma poésie, qui finalement sont les seuls à me soutenir.
Parfois, dans le comité de rédaction, après la lecture de l’article, c’est la sidération qui engendre plusieurs minutes de silence, puis le débat s’ouvre dans un fracas de rage et d’outrance dans la mauvaise fois aussi, et ainsi les discussions s’enfoncent dans la nuit passionnée et sans concession. Je me suis dit qu’un monde où on pouvait encore débattre sur une collection de couture jusque tard dans la nuit est probablement la dernière exception qu’on peut avoir encore sans avoir derrière nous une flopée d’Avocats qui nous course aux fesses, un espace de liberté du savoir et de la culture non piloté par le Seigneur des Arnault, et son pote Breton.
Un soir, nous étions épuisés à examiner la réelle valeur d’une collection d’une Russe mal taillée, j’avais fait part du sentiment de honte que j’avais pour cette présentation à mes camarades, et eux, après un petit moment de silence, m’ont alors dit qu’il comprenait mon sentiment et ressentait parfois la même chose que moi, un dégoût profond de confondre Franck Sorbier et ces Inhumains de contrefaçon.
Puis, dans la nuit, le sentiment d’être indécent, un peu sale aussi, c’était en quelques secondes estompé, la Fashion Week venait de se terminer. Je connais la difficulté de créer quatre collections par an, un vrai sacerdoce. Mais s’il est difficile de créer une robe, il est aussi difficile de pondre un article de qualité, car souvent décrire le rien est une tâche surhumaine. Et pourtant, si parfois notre plume est acerbe, une chose qu’on ne peut pas nous enlever, c’est que nous aimons les créateurs, et qui aime bien châtie toujours bien.
Anonymode