IL NE FAUT PAS MÉGOTER !

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« Il ne faut pas mégoter. » Qui connaît encore aujourd’hui la signification de cette maxime ? C’est en étant rue Lagrange pour atteindre la place Maubert dans le berceau de l’alchimiste germanique Albert Le Grand ou Maître Albert dont la contraction de son nom a donné Maubert, que l’on pouvait assister à un curieux petit commerce, celui des cueilleurs d’orphelins. Ne vous inquiétez pas, car ces orphelins-là n’ont rien à voir avec ceux qui déchirent notre cœur. Ils sont appelés aussi les Cueilleurs, mais, en réalité, ils ne sont que les ramasseurs de mégots que les fumeurs jetaient sur le pavé de Paname.

Ils traquent donc les fragments de cigarettes, et de mégot en mégot ajoute leur trésor dans un petit sac en lin qui sera bientôt plein à ras bord. Braconnier du XIXè siècle, il n’y a que deux sortes de tâcherons de la spécialité. Le premier tourne autour de sa proie, guettant les fumeurs, et quand celui-ci abandonne son mégot, il se précipite, et après avoir écrasé du pied le bout incandescent, il récupère d’un geste rapide la précieuse épave encore toute chaude.

Et puis, il y a celui qui se veut l’aristocrate de la profession, une sorte de Pagès de la conne, celui qui fait fi des pauvres, rebut populaire et se concentre sur les restes des meilleurs cigares « de » La Havane. Il a sa fierté et quand un amateur jette son « Juan Clemente » il feint l’indifférence, et puis soudain, sortant de sa veste un instrument formé d’un manche sur lequel s’accroche un fil métallique, il attrape le trésor convoité, et s’en va dignement en quête de nouveaux orphelins bien dodus.

Le tabac d’occasion est revendu à la foire aux mégots qui se tient justement place Maubert. Là, les aventuriers du pavé monnaient leurs butins auprès des buralistes. Il existe même un cours quasi-officiel de ce tabac de seconde main. Bien souvent, le cueilleur, lors de la négociation, réclame quelques centimes de plus, alors le débitant, à bout d’arguments, fini par lancer : « arrête de mégoter ! » Arrête de discutailler pour les bitumeuses qui, par erreur, auraient commencé à lire ce mémo.

Les cueilleurs d’orphelins ont disparu et à raison de 68 € l’amende pour ceux qui jettent leurs mégots de cigarettes sur les trottoirs parisiens actuellement, il aurait été plus écologique de les conserver, et même si ces métiers ne font plus recette, on continue parfois, souvent à mégoter quand même.

Anonymode

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