LE CHEVREAU BOUFFE LE GROS CHEVAL BLANC

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Tremblement de terre sur l’avenue Montaigne, Hermès, le petit artisan sellier, qui murmure à l’oreille des chevaux de margis, a coiffé au poteau le titan LVMH. Voici donc le carré de soie qui vient s’enrouler discrètement autour du cou du géant avec le nœud acéré de la capitalisation boursière. Une histoire d’argent, certes, mais surtout de goût, d’élégance… et de réalité financière légèrement « Courbet ».

Pendant que certains diversifiaient à outrance, empilaient les marques comme des perles sur un bracelet de gala en toc ou en tic, c’est selon… Hermès continuait la vision de Jean-Louis Dumas, lentement et précieusement. Et durant que les banquiers faisaient sauter les bouchons de Dom Pérignon sur des tableaux Excel au Châtelet, les artisans d’Hermès choisissaient le cuir, la bonne couture, ainsi que la distance avec le bling-bling. Résultat ! +11,3 % de croissance des ventes, un amour fidèle des clients japonais, de la jet-set brésilienne et une capitalisation boursière de 248,6 milliards d’euros. Tout cela en vendant essentiellement… du silence, de la lenteur, du savoir-faire, du cuir qui sent bon.

LVMH, autrefois maître incontesté de la jungle luxueuse, semble avoir eu les yeux plus gros que le sac Kelly. Entre les rachats en rafale, les palaces qui poussent comme des champignons truffés et les défilés aux allures de superproductions « Marvel », la maison du Seigneur a peut-être oublié une chose : le luxe, ce n’est pas de japper à haute voix : « Regardez-moi », mais plutôt de murmurer : « Tu me reconnais ? » Bilan : une baisse de 2 % des ventes, un titre qui fond de 7,8 %, et des analystes qui commencent à lever un sourcil de vieille tante éffarouchée. Dans les couloirs dorés de LVMH, on murmure que même les banquiers ont cessé de porter du Dior pour revenir au bon vieux col roulé… Hermès, bien sûr.

Hermès n’a pas besoin d’exister partout. Il existe mieux. Pas de flagship dans chaque centre commercial, pas de pub avec des stars en apnée… Non, juste un nom chuchoté comme un secret entre initiés. Là où LVMH voit le monde comme un supermarché premium, Hermès voit un écrin, la vraie différence entre la Marie-Louise de Clermont Tonnerre et Maria-Louisa Perez.

Si le marché leur donne raison, c’est peut-être que le consommateur de luxe d’aujourd’hui, ce vilain mot qui sent le marketing, a décidé de choisir la rareté sincère plutôt que l’abondance algorithmique.

C’est sûrement là, le message caché de cette guerre boursière d’un raffinement inouï : les chevaux finalement trottent encore plus vite que les Ferrari. Hermès ne s’est pas contenté de gagner, la maison du Faubourg a rappelé à toute une industrie, que le luxe, c’est l’exact opposé de la précipitation. Et dans cette guerre de banquiers bon ton, c’est le sellier qui a sauté les obstacles de la bourse, tranquillement élégamment, mais surtout à la française d’antan.

FM