VUITTON ROMAN DE GARE
Pour son grand défilé automne-hiver, Louis Vuitton nous a demandé d’accrocher nos valises « Rimowa » à la gare du Nord. Entre les livreurs Uber et les voyous de banlieue Afro Européens, c’est le capharnaüm d’un voyage stylistique où le surréalisme croise le wagon-barbare.
Imaginez un instant l’annonce SNCF : « Attention au départ, train en direction de la Fashion Week, desservant tous les arrêts du bon goût, et de l’audace vestimentaire. » Sur le quai, une foule bigarrée se presse : un professeur de yoga en justaucorps asymétrique, un détective privé en trench fluo, une campeuse chic en couverture de bivouac griffée et un mannequin qui joue de l’ukulélé comme Marilyn Monroe. C’est la magie Vuitton : un melting-pot de personnages qui auraient aussi bien pu descendre du Transsibérien avec leur panier de poules que sortir d’un roman d’Agatha Christie.
Le décor ? Un chef-d’œuvre de minimalisme glacial : une salle d’attente où les sièges sont aussi inconfortables qu’élégants, avec un éclairage à faire pâlir les néons d’un terminal d’aéroport. À défaut d’annonces pour signaler un éventuel retard, on nous balance Kraftwerk et son « Trans Europe Express », rappelant à tous que le train de la hype ne s’arrête jamais.
Côté look, Ghesquière mélange tout avec l’énergie d’un voyageur qui aurait emballé sa valise en cinq minutes avant de courir attraper son train : trenchs translucides, shorts cargo improbables, pulls New Wave à donner des sueurs froides à la décennie 80, et robes drapées façon « j’ai dormi avec la couette Vuitton sur moi ». Les accessoires ne sont pas en reste : boîtes à chapeaux, malles à violon, trousses de toilette vintage… tout ce qu’il faut pour un week-end improvisé à bord de l’Orient-Express ou une fugue spectaculaire sur le prochain bateau de luxe de la maison.
Vuitton nous sert un spectacle dans lequel l’imagination est reine, où les rails deviennent des pistes de réflexion stylistiques plutôt que des rails de « coco Cola » et où, finalement, on se dit que la mode, c’est aussi une question de voyage. Et tant pis, si l’on ne comprend pas tout du premier coup : l’important, c’est d’avoir son billet (et son invitation) en poche.
FM