FHCM LE BUREAU DES MÉANDRES
J’ai connu une époque lointaine où quand on venait à la Chambre Syndicale de la Haute Couture, on ne prenait pas rendez-vous. Le grand Jacques, dans son infinie sagesse, était toujours à l’écoute des gens qui venaient lui demander un service.
Aujourd’hui, vous avez porte close, un Fort Knox de la couture, bouclé par des princes au cerveau binaire, qui veulent se sentir intouchable. Impossible de rencontrer une personne, car il y a un digicode, et même si vous introduisez une autre personne, on vous refoule systématiquement. Prenez rendez-vous par Internet, disait-elle, cette inconnue que je ne connais ni « d’Eve ni des dents », sorte de bimbo à neurones peroxydés, qui pense que la magnitude quinze sur l’échelle d’«Hechter» est un concept Fashion.
En réalité, le monde a bien changé, et le monde dans lequel on vit ferme la porte définitivement aux relations humaines. Pour mon assurance de voiture, il a fallu que j’aille sur Internet. On m’a fait un devis, et impossible de savoir ou de poser une question. Pour les agences de peste, c’est la même chose ; les bureaux sont fermés, il faut montrer patte blanche. Il faut aussi montrer son carnet de chèques d’abord avant de commencer à parler.
J’ai essayé plusieurs fois en écrivant que mon budget était de plus de 1 000 000 d’euros pour une jeune créatrice Russe. J’ai eu une réponse par email pour un rendez-vous seulement un mois et demi après. Quand je me suis rendue au rendez-vous, la personne était à l’étranger. Elle avait oublié le rendez-vous, et pour s’amender, elle a engueulé au téléphone cette pauvre stagiaire comme si c’était sa faute.
Le monde change, un monde de débiles mentaux. Aujourd’hui, Roméo n’aime que lui-même, et quant à Juliette, elle préfère les femmes. Yseult, quant à elle, aime d’abord son métier, et Tristan a changé de sexe. Des dirigeants qui suivent la voie de leur maître, les ou le seigneur du Luxe.
Ne comprenant plus ce monde, j’ai pris le dernier train de la fuite, juste à temps, et je m’étonnais d’être seul dans le wagon. Les portes se refermant, la machine se met en branle et une voix douce, presque sensuelle, dans le haut-parleur annonce : « Bienvenue à bord du train LVMH, et sans jamais dérailler, celui-ci ne vous mènera absolument nulle part. J’ai ouvert la fenêtre pour sauter en marche, une fin qui atteste l’idée que pierre qui roule n’amasse pas mousse.
FM