TOULOUSE LAUTREC ET BRUANT
Toulouse-Lautrec ouvre largement les portes à travers ses toiles de la chambre des Louves (« lupanarde » en italien). Et pour cause, le peintre fréquente abondamment les bordels et les bitumeuses, certainement pour y trouver un peu d’affection auprès de Femmes, lui, qui a toujours été discriminé par sa taille. Les prostituées l’adorent car ce petit bonhomme est éduqué, sympathique, plein d’humour et bon vivant. Elles font de lui leur mascotte et le surnomment la cafetière avec son chapeau haut de forme et se moquent gentiment de cette protubérance persistante due à son priapisme.
L’artiste vit presque à demeure à la Fleur Blanche, luxueux établissement parisien. Il immortalise ce salon de la rue des Moulins où, sur le moelleux des divans en peluche rouge, quatre créatures en déshabillé se vautrent sous l’œil souverain de Madame La Mère, chef des Boulonneuses. À droite, une autre fille debout soulève sa chemise pour dévoiler ce qu’elle a à vendre, à hauteur du regard de ces Messieurs en chapeau qui patientent un peu plus loin, le monocle formant sur leur figure une lunette panoramique. En 1892, Pierre Ducarre, directeur du Concert des Ambassadeurs, situé avenue Gabriel, propose à Aristide Bruant de chanter sur les planches de son théâtre. Celui-ci n’a qu’une revendication, il veut que cela soit Toulouse-Lautrec qui réalise l’affiche. Vous êtes sûr de ce barbouilleur-là ? s’inquiète Ducarre. Bruant insiste : « si vous voulez votre Toulouse machin arrangez-vous ensemble ».
Le peintre s’exécute. Il dessine l’affiche, et quand Ducarre la voit, il manque de s’étrangler. Vous vous foutez de moi ! Pensez-vous que je vais étaler cette cacade sur les murs et les panneaux de mon établissement ? Bruant tient bon. Ce sera cette affiche ou rien. On verra donc l’étrange graphisme de Toulouse-Lautrec se répandre sur les murs de Paris. On le voit toujours un peu partout, reproduit à l’infini.
Anonymode